Sens et Vie

Qu'est-ce qu'une vie pleine ?

Qu’est-ce qu’une « vie pleine Â» ?

(on pourrait aussi dire : une vie réussie, une vie heureuse)

 

(Rogers décrit ici les résultats qu’il observe chez ses clients en cours et au terme d’une thérapie dont le but est précisément de tendre vers une « vie pleine Â»).

 

Pour le client, la réussite de la thérapie signifierait l’exploration de sentiments de plus en plus étranges, inconnus et dangereux, exploration rendue possible seulement par la conscience progressive qu’il est accepté sans restrictions. Il prend ainsi conscience d’éléments de son expérience auxquels dans le passé il avait refusé la conscience, parce que trop menaçants, trop traumatisants pour la structure du moi.

Il s’aperçoit que son comportement change de manière constructive en accord avec le moi dont il vient de faire l’expérience nouvelle. Il va bientôt se rendre compte qu’il n’a plus besoin de craindre ce que l’expérience peut lui proposer, mais qu’il peut l’accueillir librement comme une part de son moi en train de se transformer et de se développer.

 

Il me semble que la vie pleine n’est pas un état fixe. Ce n’est pas, à mon avis, un état de vertu ou de contentement, ou de nirvana, ou de bonheur. Ce n’est pas un état dans lequel l’individu est adapté, ou comblé, un état de réduction d’impulsions, de réduction de tensions.

 

Pour moi, la vie pleine est un processus, non un état. C’est une direction, non une destination. La « vie pleine Â» d’après mon expérience, est le processus de mouvement dans une direction que choisit l’organisme humain quand il est libre intérieurement de se mouvoir dans n’importe quelle direction.

 

Caractéristiques du processus

 

Ouverture accrue à l’expérience. L’un des aspects du processus que j’appelle « la vie pleine Â» apparaît comme un mouvement s’écartant du pôle de défense pour aller vers le pôle d’ouverture à l’expérience. L’individu devient plus capable d’être à l’écoute de lui-même, de faire l’expérience de ce qui se passe à l’intérieur de lui-même. Il est plus ouvert à ses sentiments de peur, de découragement et de souffrance. Il est aussi plus ouvert à ses sentiments de courage, de tendresse, d’admiration. Il est libre de vivre ses sentiments subjectivement, comme ils existent en lui-même, et libre aussi d’être conscient de l’existence de ces sentiments.

 

Vie existentielle accrue. Le processus thérapeutique implique une tendance croissante à vivre dans le moment présent d’une façon totale.

Le client réalise que « ce que je serai au moment suivant, et ce que je ferai, naît du moment présent et ne peut être prédit à l’avance ni par moi, ni par les autres Â».

Une telle manière de vivre dans l’instant signifie une absence de rigidité, d’organisation étroite. Au contraire, elle signifie un maximum d’adaptabilité, la découverte de la structure dans l’expérience, une organisation fluente, changeante, du moi et de la personnalité.

 

Confiance accrue dans son organisme. La personne, qui vit le processus d’une vie ainsi épanouissante, acquiert une confiance accrue dans son organisme comme dans un moyen d’arriver à la conduite la plus satisfaisante dans chaque situation existentielle.

 

Le client découvre que, s’il est ouvert à son expérience, faire ce qu’il « ressent comme bon Â» lui apparaît comme un guide de conduite compétent et digne de confiance pour mener à une condition vraiment satisfaisante.

Dans ce calcul, cette estimation, cette pondération, son organisme ne serait nullement infaillible. Il donnerait toujours la meilleure réponse possible, tenant compte des données fournies, mais parfois celles-ci seraient insuffisantes. Cependant, grâce à l’élément d’ouverture à l’expérience, toute erreur, toute conduite qui ne donnerait pas satisfaction, serait rapidement corrigée. Les calculs seraient toujours en  train d’être corrigés parce qu’ils seraient toujours vérifiés par la conduite.

 

En résumé. La personne libre psychologiquement est plus apte à éprouver l’ensemble de ses sentiments, et elle a moins peur d’eux ; elle filtre son expérience elle-même et se montre plus ouverte aux témoignages venant de toutes les sources ; elle est complètement engagée dans le processus qui consiste à être et à devenir soi-même et découvre ainsi qu’elle est profondément et sainement une être social ; elle vit plus complètement dans l’instant, mais apprend que c’est la manière de vivre la plus saine en tout temps. Elle devient un organisme fonctionnant plus pleinement, et grâce à cette conscience d’elle-même qui coule librement dans et à travers son expérience, elle devient une personne fonctionnant plus pleinement.

 

La nature humaine est fondamentalement constructive et digne de confiance. Ceci est pour moi la conclusion inéluctable d’un quart de siècle d’expériences en psychothérapie. Quand nous réussissons à libérer l’individu de ses attitudes de défense, de façon à ce qu’il s’ouvre au vaste éventail des exigences du milieu et de la société, on peut faire confiance à ses réactions :  elles seront positives, dynamiques, constructives.

 

Nous n’avons pas à demander qui le socialisera, car l’un de ses besoins les plus profonds est celui de l’association aux autres et de la communication avec eux. Nous n’avons pas à demander qui contrôlera ses instincts d’agressivité, car au fur et à mesure qu’il deviendra plus ouvert à tous ses instincts, son besoin d’être aimé d’autrui et sa tendance à donner de l’affection seront aussi forts que les instincts qui le poussent à frapper ou à saisir. Son comportement, dans son ensemble, au fur et à mesure qu’il s’ouvrira d’avantage à toute son expérience, sera plus équilibré et plus réaliste, plus approprié à la survie et au développement d’un être profondément social.

 

Je pense qu’on verra bien maintenant pourquoi des adjectifs somme : heureux, satisfait, content, ne me semblent pas convenir tout à fait à une description générale du processus que j’ai appelé « la vie pleine Â», même si la personne en question éprouvait chacun de ces sentiments à des moments appropriés. Mais les adjectifs qui semblent plus généralement convenir sont : enrichissant, passionnant, qui en vaut la peine, stimulant, significatif.

Ce qu’il y a de profondément passionnant chez les humains, c’est que lorsque l’individu devient libre, c’est cette « vie épanouissante Â» qu’il choisit comme processus de devenir.

 

(Carl Rogers, Le développement de la personne, citations libres, p.129 à 140)

 



05/12/2008
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