Sens et Vie

Laisser au client sa totale liberté d'expression

Liberté d’expression

 

Il est certain que l’un des buts significatifs de toute entreprise d’aide psychologique est d’amener à jour les pensées et les attitudes, les sentiments et les impulsions à charge émotionnelle, qui sont au centre des problèmes et des conflits d’un individu. Ce but se complique du fait que les attitudes superficielles, celles qui sont facilement exprimées, ne sont pas toujours significatives ni motivantes.

 

La voie la plus sûre vers les questions qui ont de l’importance, vers les domaines que l’entretien d’aide peut traiter d’une manière constructive, est de suivre la structure des sentiments du client dans la mesure où celui-ci les exprime librement. Quand quelqu’un parle de lui-même et de ses problèmes, et qu’il n’a pas besoin de se défendre, les vraies difficultés vécues deviennent de plus en plus évidentes à l’interlocuteur attentif.

 

En conséquence, les meilleures techniques d’entretien sont celles qui encouragent le client à s’exprimer aussi librement que possible, l’aidant s’efforçant consciemment de s’abstenir de toute initiative ou de toute réponse qui orienterait l’entretien lui-même ou provoquerait certains contenus.

 

Les facteurs intellectuels, dans les difficultés d’adaptation, sont souvent puérilement simples. Ce sont les facteurs émotionnels non reconnus qui sont en général fondamentaux. Le client et l’aidant comprennent plus rapidement ces facteurs émotionnels si l’entretien reconnaît et suit la structure des sentiments du client. Il est probable que le savoir-faire le plus difficile à acquérir dans la relation d’aide est l’art de percevoir le sentiment qui a été exprimé et d’y répondre plutôt que d’apporter son attention au seul contenu intellectuel de ce qui est dit. Dans notre culture, la plupart des adultes ont été formés à être très attentifs aux idées et pas du tout attentifs aux sentiments.

 

Le thérapeute est souvent placé dans des situations où il sait qu’il ne disposera que d’un temps très court. Dans ce cas la pratique courante est d’être complètement directif, le conseiller saisit rapidement le problème comme il le voit, conseille, persuade, réconforte. Les résultats sont presque inévitablement toujours mauvais : le client quitte l’entretien la tête pleine de conseils mal digérés, irrités par quelques uns, sentant qu’il s’est trompé dans beaucoup de ses actes, et moins confiant qu’avant en lui-même.

 

Cependant, si l’aidant utilise ce temps limité pour libérer le client et lui permettre de discuter à fond ses attitudes, le client part sans aucune « solution Â» artificielle à son problème, mais sa situation est beaucoup plus clairement définie dans son esprit, les choix possibles clarifiés, et il obtient l’assurance réconfortante que quelqu’un l’a compris et, qu’en dépit de ses problèmes, ce quelqu’un a été capable de l’accepter.

 

En bref, l’objectif majeur de l’aide thérapeutique est de permettre au client d’exprimer librement les attitudes affectives qui sont la base de ses problèmes et de ses conflits d’adaptation. Pour se faire, l’aidant s’attachera au contenu affectif de l’expression du client plutôt qu’au contenu intellectuel. Ce principe demeure vrai quelque soit le type d’attitudes affectives : attitudes négatives d’hostilité, de découragement ou de peur, attitudes positives de tendresse, de courage et de confiance en soi, ou attitudes ambivalentes et contradictoires. Cette approche est sûre, aussi bien lorsque les sentiments du client s’appliquent à lui-même, que lorsqu’ils concernent les autres. Dans chaque cas, le conseiller vise à reconnaître le sentiment exprimé en l’acceptant ouvertement. Cependant il fera bien de s’abstenir de donner des interprétations de la conduite du client si ces interprétations ne sont pas fondées sur les sentiments exprimés par le client, mais sur un jugement de la situation exprimé par le thérapeute.

 

Ainsi, le premier but du thérapeute est d’aider le client à abandonner toute forme de défense, tout sentiment que ses attitudes ne devraient pas être amenées à jour, toute inquiétude d’entendre le psychologue critiquer, suggérer ou ordonner. Si ce but peut être atteint, le client est alors libre d’envisager la situation totale dans sa réalité, sans avoir à se justifier ou à se protéger. C’est alors qu’il peut voir clairement ses relations, et peut reconnaître en lui-même les impulsions jusque là cachées.

 

(Carl Rogers, La relation d’aide et la psychothérapie, citations libres, p. 137, 139, 174, 196).

 



05/12/2008
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